Extraits de l’évaluation du PAFVI Togo

Extraits de l’évaluation du PAFVI Togo

Evaluation scientifique du projet APAF (PAVFI, financement UE) commanditée par l’Union européenne dans le sud-ouest du Togo.

(Extraits)
Etat des lieux et évaluation de l’efficacité et efficience
« De 2001 à 2004, l’ONG Association pour la Promotion de l’Agroforesterie (APAF) a conduit un projet de vulgarisation de techniques d’agroforesterie et de foresterie communautaire dans les régions des Plateaux (au sud de la zone ouest) et Maritime (au nord de la région).

Ce projet dénommé Programme d’Appui aux Initiatives d’Agroforesterie et de Foresterie Villageoise (PAFVI) visait à restaurer l’ambiance forestière de la cacaoyère et d’autres plantes cultivées au Togo et donc contrôler les problèmes environnementaux par la recréation d’un environnement forestier et la promotion d’une agriculture durable. Il a touché près de 20 000 planteurs auxquels des appuis technique et matériel ont été donnés pour introduire des légumineuses pérennes dans leurs exploitations.
Pour s’assurer des acquis obtenus, des effets et impacts que sa mise en œuvre a pu induire et se déterminer sur les perspectives à lui donner, l’Union Européenne (UE), à travers la cellule Com-Stabex, a commandité son évaluation scientifique. L’ITRA a été ainsi choisi pour réaliser cette évaluation. Celle-ci s’est donc faite dans la cadre du Devis programme n°11 signé entre l’ITRA et l’UE et financé sur le Com-Stabex 90-94. Il s’est agi principalement pour l’ITRA dans la cadre de ce devis programme (i) d’évaluer les résultats atteints par PAFVI, (ii) d’apprécier la pertinence et la viabilité des réalisations du PAFVI et (iii) de faire des recommandations en vue de la poursuite ou de l’orientation des actions du projet. »

  1. Evaluation de l’impact de l’adoption des technologies

« L’impact a été analysé sur la base des déclarations de rendements. Les rendements des principales cultures sous PAFVI ont été comparés aux rendements moyens observés sur les mêmes cultures chez les producteurs non bénéficiaires. L’évaluation de l’impact a été réalisée pour les cultures de café, de cacao et de maïs dont les données ont été suffisamment complètes. Les facteurs considérés sont outre le comportement d’adoption ou non de la technologie, l’exposition à cette technologie capturée à travers la combinaison connaissance de la technologie + source d’information + description. Le modèle d’adoption a été estimé avec l’ATE (average treatment effect) sur la base des variables identifiées avec le logit classique. Pour intégrer les autres facteurs d’impact, sont également considérés les éléments du capital humain (âge, sexe, formation, maind’oeuvre familiale), physique (taille de l’exploitation, zone écologique, technologies, matériel et outillage) et le capital social et institutionnel (organisation). »
Résultats de l’évaluation

  1. Le projet : Pertinence et qualité de sa conception

 

  • Pertinence

Elle a été appréciée au travers des réponses trouvées aux questions principales suivantes :

  • Quels sont les principaux problèmes qui ont conduit à la conception du projet ?
  • Les groupes cibles visés par le projet sont-ils les bénéficiaires réels du projet ?
  • Quel est le niveau d’adéquation du projet avec les orientations stratégiques du secteur agricole?

Pour ce qui est des principaux problèmes, il a été relevé que les préoccupations majeures qui justifient et fondent l’initiation du PAFVI sont principalement

  • la dégradation des ressources naturelles, notamment végétales,
  • la diminution de la productivité et
  • la réduction de la biodiversité dans les zones couvertes par le projet, le sud de la zone ouest de la région des Plateaux et le nord de la région Maritime.

Ces préoccupations sont particulièrement reflétées et traduites dans les objectifs globaux du PAFVI :

  • promouvoir un développement durable de l’agriculture et contribuer à une augmentation de la production et du revenu des populations rurales,
  • recréer un environnement forestier à travers une meilleure maîtrise des différents problèmes environnementaux,

et dans les objectifs spécifiques qui étaient de

  • promouvoir l’agroforesterie avec l’utilisation des techniques agroforestières devant permettre la fertilisation naturelle du sol et l’augmentation des rendements,
  • reconstituer les forêts villageoises devant permettre la production des bois d’œuvre et de service et
  • régénérer les forêts naturelles grâce à la lutte contre les feux de brousse.

En ce qui concerne les bénéficiaires du projet, les données collectées indiquent que les principaux bénéficiaires du projet sont les petits producteurs/planteurs du sud de la zone ouest de la région des Plateaux et ceux du nord de la région Maritime. Ces bénéficiaires étaient ceux effectivement visés par le projet. Il n’y a pas d’inadéquation constatée entre les bénéficiaires réels du projet et le groupe cible visé dans le document de projet.
Pour ce qui est du niveau d’adéquation du projet avec les orientations stratégiques du secteur agricole à l’époque, il a été noté que les objectifs du projet rencontrent une des orientations qui est l’accroissement de la productivité agricole, en préservant les ressources naturelles de la stratégie de croissance du secteur agricole et rural (SCSAR) formulée en 2002 pour la période 2002-2004 qui avait cours à cette période. »

  • Qualité de la conception

Les questions principales posées ici sont :

  • Existe-t-il un cadre logique et quel est son niveau de qualité ?
  • Les objectifs et les résultats sont-ils clairs et logiques et répondent-ils à des besoins identifiés ?

Le document de projet ne présente pas un cadre logique mais les indicateurs qui ont été définis associés aux résultats sont pour la plupart quantitatifs, ce qui rend facile l’appréciation des performances du projet. De plus, les objectifs et les résultats ont été clairement définis et en adéquation avec les besoins de la zone du projet.
Sur la base de l’ensemble de ces éléments, l’on peut aisément soutenir que le projet était pertinent et sa conception de qualité. »

 

  1. Contexte spécifique de l’intervention

Le Programme PAFVI est la continuation de deux projets soutenus l’un par la coopération belge et touchant 90 villages de Kpalimé et l’autre par le Stabex 91–94 touchant 92 villages de la zone de Wawa-Akébou.
Il couvre au total 300 villages répartis dans le sud de la zone ouest de la région des Plateaux et le nord de la région Maritime. Ce sont deux zones contrastées, l’une à végétation encore forestière (sud de la zone ouest de la région des Plateaux) et l’autre à végétation plutôt savanisée.
Le sud de la zone ouest de la région des Plateaux est une zone de production de cultures de rente, principalement le café et le cacao. Cette zone est néanmoins victime de plusieurs aléas et facteurs négatifs dont :

  • le relief très accidenté
  • la dégradation accélérée des ressources naturelles,
  • la pauvreté des populations.

 

Le nord de la région Maritime est plutôt vouée aux productions vivrières particulièrement, le maïs, le manioc, le niébé. Elle est soumise à une dégradation des ressources naturelles, conséquence d’une pression accrue sur ces ressources et est aussi caractérisée par une pauvreté des populations rurales.
C’est dans ce contexte spécifique des deux zones que le PAFVI a été mis en œuvre. »

  1. Logique d’intervention

Le PAFVI a été réalisé par l’ONG APAF. La méthode d’approche de l’ONG APAF a été volontaire et participative. Dans sa démarche, l’ONG a abordé les activités d’approvisionnement en semence, de mise en place de pépinières, d’agroforesterie, de foresterie et de lutte contre les feux de brousse.

Elle a également conduit l’ONG APAF a développé des activités sur l’agriculture biologique notamment la production de café et de cacao bio avec en perspectives la création d’un organisme de certification de produits biologiques. Par ailleurs, plusieurs accords de protocoles ont été signés entre l’APAF et des structures nationales de développement (ACDR, SEAT etc.), de recherche (UL, ITRA) et d’autres partenaires du Nord. Ces différents protocoles ont été respectés à des degrés divers. L’ensemble de ces activités et initiatives donne à l’intervention de l’ONG APAF une logique systémique visant un développement durable et une amélioration des revenus des producteurs.  »
« Les forêts villageoises installées par PAFVI ont été réalisées à base de Tectona grandis, de Khaya grandifolia et d’autres espèces de bois d’œuvre. Les densités constatées sur le terrain sont de 140 pieds/ha pour K. grandifolia et de 1500 pieds/ha pour T. grandis et varient de 100 à 500 pieds par hectare pour les autres espèces de bois d’œuvre.

En définitive, sur la base des estimations, les activités du PAFVI peuvent être résumées à
l’encadrement de 9316 planteurs qui ont exploité 9451 parcelles couvrant une superficie de 10181 ha réparties de la manière suivante : Tsévié 1096 parcelles couvrant 973 ha ; Kpalimé 2792 parcelles ayant une superficie de 2412 ha et Badou 5563 parcelles sur 6796 ha. »

« Au terme du projet (en 2004), le taux de consommation du budget indiqué dans les documents a été de 70% soit 912 648 060 F CFA de consommé sur les 1 298 794 860 F CFA prévus. Par ailleurs, les résultats atteints par PAFVI indiquent :

  • en actions d’agroforesterie : 24 703 champs agroforestiers mis en place
  • en actions de foresterie : 1 839 forêts mises en place dans 300 villages ;
  • en actions de lutte contre les feux de brousse : globalement efficace dans 76,6% des villages à l’issue du DP3 avec un total de 50 865 personnes sensibilisées et 14 500 jeunes formés pour la lutte contre les feux de brousse ;
  • en actions de mise en place de pépinières : 14 534 jeunes formés aux techniques de conduite des pépinières villageoises avec un total de 5 128 733 plants produits toutes espèces confondues.

Faute d’un chiffrage des superficies couvertes par l’agroforesterie et la foresterie effectuées par PAFVI, les nombres de champs agroforestiers et de forêts mis en place indiquent des résultats appréciables au-delà des prévisions du programme. A cela, si l’on ajoute la consommation à 70% du budget prévu, l’on peut conclure que l’efficience des moyens mis en œuvre pour la réalisation du PAFVI est satisfaisante. »
– 24 703 champs agroforestiers mis en place
– 14 534 jeunes formés aux techniques de conduite des pépinières villageoises
– 5 128 733 plants produits toutes espèces confondues
Reconstituer les forêts villageoises devant permettre la production des bois d’oeuvre et de service
– 1 839 de forêt mis en place dans 300 villages
Régénérer les forêts naturelles grâce à la lutte contre les feux de brousse
– 50 865 personnes sensibilisées et 14 500 jeunes formés pour la lutte contre les feux de brousse ;
– Actions de lutte contre les feux de brousse efficace dans 76,6 % des villages
L’ensemble des résultats sont d’assez bonne qualité et ont contribué à atteindre les objectifs du PAFVI.
Le programme a été, somme toute, efficace. »

  1. Impacts du PAFVI

 

  • Impact socioculturel

Les technologies diffusées dans le cadre du PAFVI se sont révélées bien connues par les chefs de ménage de la zone, qui à 85% en moyenne ont été capables de décrire au moins une technologie, la plus connue étant la culture multi-étagée suivie de la régénération naturelle assistée. Du point de vue de la pratique, il faut noter que 7% des bénéficiaires ont abandonné les technologies promues tandis que 10% des non bénéficiaires l’ont actuellement adopté. Cette connaissance est venue premièrement de l’APAF qui est la source citée par la quasi-totalité des bénéficiaires et par plus du tiers du reste de la population. Deuxièmement, est intervenu une diffusion spontanée à partir des bénéficiaires. Ainsi, pour environ le tiers des non bénéficiaires, la source d’information a été les bénéficiaires. En marge ou à la suite du PAFVI, un nombre relativement important de chefs de ménage de la zone ont acquis une sensibilité écologique, estimant sur cette base les technologies recommandées nécessaires et justifiées. Ce nombre est significativement plus élevé parmi les bénéficiaires du PAFVI (82%) que dans le reste de la population (66%).

 

  • Impact économique

Il a été vu par rapport à l’amélioration des rendements des cultures sous-système agroforestier. Les cultures les plus communément associées aux technologies PAFVI sont le café, le cacao et le maïs. Les données de rendement ont été obtenues pour 235 parcelles de café, 168 parcelles de cacao et 143 parcelles de maïs. Certains exploitants ont indiqué les rendements pour une seule de ces cultures, d’autres pour deux ou trois

L’analyse des déclarations de rendement révèle des écarts significatifs de rendement de plus de 300kg/ha pour le maïs, 50 kg/ha pour le cacao et 700 kg/ha pour le café entre les pratiquants des technologies PAFVI et les autres producteurs de la zone. Ces données tendent à prouver que les technologies promues impactent plus fortement sur le café, suivi du maïs puis du cacao. »

« L’analyse des facteurs d’impact permet de confirmer l’effet spécifique des technologies PAFVI sur les rendements observés. En effet, la question essentielle était d’isoler précisément l’impact réel des technologies en éliminant les biais de sélection et l’effet de l’évolution dans le temps des autres facteurs. L’évaluation du LATE permet de conclure sur cet aspect. Ainsi, l’écart de rendement estimé est plus important, de plus de 480 kg/ha pour le maïs, 710 kg/ha pour le café, et de 60 kg/ha pour le cacao »

« Ceci signifie donc que l’effet des technologies a été masqué à la baisse, probablement en raison de la dégradation des conditions climatiques de la zone. Ainsi, sans les effets environnementaux, l’impact aurait dû être plus important sur les cultures évaluées.
En définitive, il ressort qu’il y a eu une amélioration des rendements par l’application de la technologie PAFVI c’est-à-dire l’application de l’agroforesterie. Les accroissements de rendements observés dus à la technologie sont de 32% pour le maïs, 5% pour le cacao et 74% pour le café.

  • Impact environnemental

Il a été évalué principalement par rapport à la contribution des espèces agroforestières sur la fertilité des sols, cela à partir des analyses de sols effectuées sur des échantillons de sols pris sous les différentes espèces agroforestières.
D’une façon générale, toutes espèces agroforestières confondues, les modifications observées dans les propriétés chimiques des sols sous espèces agroforestières ne semblent pas montrer une amélioration significative des sols par ces espèces. La plupart des propriétés déterminées montrent un niveau équivalent en sol nu comme en sol sous végétation d’espèces agroforestières. »

« Par rapport aux cultures sous-systèmes agroforestiers, des prélèvements de sols ont été faits pour apprécier les propriétés sous ces différents systèmes.
Ainsi, dans les sols sous agroforesterie en culture de palmeraies, les modifications observées dans les propriétés chimiques des sols indiquent une amélioration des niveaux de la matière organique, carbone, azote, phosphore total et phosphore assimilable. Dans les sols sous cacaoyers, ce sont les niveaux de la matière organique, du carbone, de l’azote total, du phosphore total, du calcium et du magnésium qui ont été améliorés par l’agroforesterie.

Dans les sols sous maïs, l’impact du système agroforestier a permis une amélioration des niveaux de l’azote total, du phosphore assimilable, du calcium et du potassium.

 

Ces modifications positives constatées sur les propriétés chimiques des sols sous-systèmes agroforestiers représentent un bon indicateur de l’effet environnemental positif de la mise en oeuvre du PAFVI donc de l’application du système agroforestier en agriculture.

 

Pour apprécier la performance individuelle donc la contribution positive de chaque espèce agroforestière sur le système, des analyses d’échantillons de sols prélevés sous chaque espèce ont été faites. »

« Il ressort somme toute que :
– Albizzia adianthifolia a une meilleure contribution au relèvement des niveaux de la matière organique, de l’azote et du potassium du sol ;
– Samanea saman renforce davantage le niveau du phosphore assimilable
– Albizzia chevaleri, A. zygia et A. ferruginea occupent les secondes places en ce qui concerne la contribution aux teneurs du sol en matière organique, en azote et en potassium ;
– Morinda lucida est une espèce marginale qui se distingue par son effet favorable sur les teneurs du sol en matière organique, azote, phosphore assimilable et potassium. »

 

Conclusion et recommandations

 

Le PAFVI était un programme pertinent et bien conçu. Sa mise en œuvre a été efficiente et efficace.
Cependant, sa démarche d’intervention a montré certaines faiblesses relatives au dispositif d’appui trop centralisé, au contenu d’appui n’ayant pas suffisamment prévu de formation technique et à la non préparation de l’après projet.
Les technologies promues dans le cadre du PAFVI ont fortement impacté les rendements de café, de cacao et de maïs. Cet impact est déjà perceptible au niveau des rendements observés. Elles ont aussi amélioré la qualité des sols, notamment leurs attributs chimiques.

Mais, ces technologies souffrent d’un handicap dans l’évaluation de leur intérêt. Il s’agit de technologies s’intégrant dans les dynamiques écologiques locales, rendant ainsi difficile une juste évaluation de leur effet spécifique. Le fort taux d’adoption observé chez les bénéficiaires et l’adoption constatée chez les non-bénéficiaires indiquent l’adaptation de la technologie aux possibilités tant économiques que techniques des producteurs ; ce qui rassure sur la viabilité de cette technologie dans la zone.
L’ensemble de ces éléments contribuent à affirmer que le PAFVI est un modèle soutenable et généralisable. Tels que les résultats d’évaluation l’ont indiqué, la généralisation de PAFVI devra prendre en compte le fait que certaines espèces agroforestières comme Albizzia adianthifolia ont une grande contribution à l’amélioration de la qualité du sol, notamment le niveau de sa matière organique. »

 

 

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